CHAMBRE DE BONNES
L'exposition "Chambres de bonnes" présente une série de photographies en noir et blanc de 50x70 cm, réalisées entre 2022 et 2023 pendant la période du COVID, lorsque les femmes de ménage philippines ont été confinées. Ces photographies mettent en lumière la condition difficile de ces femmes dans des chambres exiguës, dont la surface ne dépasse généralement pas 10 m². L'artiste Ryan Arbilo, profondément concerné par la situation de ses compatriotes, a souhaité une fois de plus mettre en évidence leur souffrance. Il s'est rendu de chambre en chambre pour les photographier, et c'est ce travail qu'il présente pour la première fois à la galerie Depardieu.
Ce nouveau sujet, toujours en lien avec la difficile condition des travailleurs philippins en France, fait suite à la série intitulée "Chicken hands" en 2016, qui montrait les mains déformées des femmes de ménage à cause du travail manuel, ainsi qu'à la série "Halo-Halo-Mix-Mix" en 2019, mettant en scène des couples mixtes et leurs enfants, précédemment présentée en décembre 2021, à la galerie Depardieu.
La vie de ces femmes ressemble étrangement à celle des anciens occupants du 19e siècle : elles doivent se lever à 6 heures, prendre le métro à 6h30 et arriver chez leurs employeurs à 7 heures pour préparer le petit-déjeuner et s'occuper des enfants qu'elles accompagnent à l'école à 8h30. Elles retournent au domicile de leur employeur pour effectuer les tâches ménagères, nettoyer une pièce en profondeur, laver, repasser. L'après-midi, elles se rendent chez un autre employeur, pour le même programme. Elles travaillent en moyenne 12 heures par jour, pour un salaire horaire de 15 euros. Elles ne peuvent se permettre de perdre une minute de repos ou de s'occuper de leurs propres affaires. Leur journée se termine à 19 heures, lorsqu'elles peuvent enfin rentrer dans leurs chambres sans ascenseur, après avoir gravi 6 ou 8 étages par l'escalier de service, sans ascenseur, avec toilettes collectives sur le palier et unique point d’eau, qu'elles paient entre 500 et 600 euros par mois. Sur un même étage, on peut trouver jusqu’à 30 chambres. C'est cependant le seul endroit où ces travailleuses domestiques peuvent profiter, pendant quelques heures, d'un peu de liberté et de vie personnelle.
Dans ces chambres, elles cuisinent sur de petits réchauds, font la vaisselle et la toilette au lavabo, et mangent assises sur leur lit devant une table pliante. Les photos révèlent leur capacité à optimiser chaque espace de rangement. Des étagères couvrent les murs jusqu'au plafond, et des objets sont placés sous le lit, avec une croix du Christ accrochée dans presque chaque chambre.
Ces "sixièmes" offrent un inconfort terrible. En hiver, sans chauffage central, il y fait froid, tandis qu'en été, sous les toits, on étouffe sous les mansardes. Une faible lumière perce à travers les lucarnes qui donnent parfois sur la rue, mais le plus souvent sur des cours intérieures, imprégnées de l'air vicié des cuisines et des toilettes qui s'y ouvrent également. Les chambres sont encombrées de petits meubles et de bibelots en tout genre. La promiscuité qui règne à cet étage entre les domestiques des deux sexes, dans des chambres mal fermées et séparées par des cloisons trop minces, rend l'expérience des "sixièmes" physiquement et psychologiquement difficile à supporter, favorisant l'anxiété et les névroses.
Les photographies de Ryan Arbilo révèlent cet enfer dans lequel ces femmes vivent au quotidien